mardi 14 février 2017

Extrait de la nouvelle d'Hermann Hesse "Le dernier été de Klingsor"

Extrait de la nouvelle d'Hermann Hesse "Le dernier été de Klingsor"

- Tu te demandes si toute cette peinture a quelque valeur, en somme? déclara Louis (...) ON peint faute de mieux, tout simplement mon cher. Si tu avais toujours sur tes genoux la fille dont tu as envie à ce moment-là, si tu trouvais journellement dans ton assiette le potage que tu aimes, tu ne te laisserais pas tourmenter par ce casse-tête enfantin, la peinture! La nature dispose d'innombrables couleurs et nous en avons réduit l'échelle à une vingtaine. Voilà la peinture. À faire ce métier-là, on n'est jamais content, et il faut encore aider les critiques à vivre.(...)

- Vois-tu, Luigi (Louis), il m'arrive souvent de me dire, comme toi, que notre art n'est qu'un succédané qui ne s'obtient pas sans de gros efforts et qui nous fait payer dix fois trop cher la vie, les jouissances instinctives, l'amour que nous lui sacrifions. Et cependant il n'en est rien. la vérité est totalement différente. On surestime les sens, dès l'instant où l'on croit que l'esprit n'a pas d'autre fonction que de les suppléer et de fournir une compensation nécessaire, lorsqu'ils sont défaillants. Les sens n'ont pas la moindre supériorité sur l'esprit, et l'inverse est également vrai. Ils forment un tout, ils se valent. Étreindre une femme ou composer un poème, c'est tout un. Il suffit qu'il y ait l'essentiel, l'amour, l'ardeur, l'émotion, peu importe que tu sois un moine du mont Athos ou un viveur parisien.

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